jeudi 19 mai 2011

Doubs : les poissons meurent, le mystère demeure

Pour les poissons, cela s’appelle aussi une autopsie. Des analyses réalisées sur des salmonidés prélevés le 13 avril dans le Doubs franco-suisse n’avaient pas permis de répondre à la question qui brûle les lèvres des autorités et des écologistes : quel mal fait mourir les poissons ? La préfecture, qui avait évacué la piste des cyanobactéries, avait aussi prononcé le mot « saprolégniose », une maladie qui se manifeste par l’apparition d’un champignon sur le corps du poisson et qui n’occasionne en général qu’une faible mortalité. Des recherches complémentaires avaient néanmoins été demandées au laboratoire de Poligny (Jura français).

Les grandes lignes du second rapport d’analyses sont connues. Voici ce qu’écrit le vétérinaire : « Les poissons présentent des lésions dues à des surinfections externes cutanées par des saprolégnia banales. Aucun autre agent pathogène n’a été trouvé en quantité suffisante. » Une épidémie virale a également été cherchée. L’examen est négatif. « Le mystère ne s’éclaircit pas », résume un fonctionnaire familier du dossier.

Les associations réunies dans le collectif « SOS Loue et rivières comtoises », ont, au contraire, des idées bien arrêtées : « La saprolégniose n’est qu’une cochonnerie de plus, une maladie qui achève des poissons déjà très faibles », avance Jean-Michel Blondeau, un membre fondateur. Parmi les autres « cochonneries » qui participent à l’abâtardissement des géniteurs, selon M. Blondeau : « Les éclusées (lâchers d’eau des barrages), l’ouverture hors crues des vannes de fond, les stations d’épuration inexistantes ou pas aux normes, les nitrates et phosphates présents dans des algues jamais analysées, voire certains alevinages. Un cocktail explosif. » Jean-Michel Blondeau, toujours : « Reconnaissons notre responsabilité collective et agissons avant que ne survienne un problème de santé publique. » Une réunion au sommet sur la gouvernance binationale de la rivière se déroule ce matin à Besançon. Bern envoie une délégation.

Yann Arthus-Bertrand à Goumois

En Suisse, les autorités fédérales ont mené leurs propres analyses. Fin avril, elles avaient déjà décelé « une souche nouvelle » de saprolégniose, suite à quoi elles ont ordonné à un labo anglais de pousser plus loin les investigations. Le ministre jurassien de l’environnement, Philippe Receveur, attend les conclusions. Il demandera ce matin de limiter l’impact des éclusées à une vague de 20 cm, contre 80 aujourd’hui : « Les éclusées (actuelles) stressent et affaiblissent le poisson. »

Pour enfoncer le clou et dire que l’état de la rivière n’est pas qu’un truc de pêcheur, le collectif organise une manifestation franco-suisse samedi (14 h 30) à Goumois. Le photographe naturaliste Yann Arthus-Bertrand sera présent sur le célèbre pont ; Nicolas Hulot, lui, s’est excusé.

Bonne nouvelle toute relative : les pêcheurs observent moins de poissons morts. Rien de plus normal pour Christian Triboulet, président de l’association de pêche « La Franco-Suisse » : « Il n’en reste plus beaucoup à mourir. »

http://www.estrepublicain.fr/fr/franche-comte/info/5074247-Doubs-les-poissons-meurent-le-mystere-demeure

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