mardi 19 juillet 2011

Marseille : ces gabians qui se cachent pour mourir

Marseille c'est un peu Los Angeles. Là-bas, il y a la guerre des gangs. Ici, il y a la guerre des gabians. En fait, rien n'est sûr. On s'interroge. Nos gabians nicheurs, ceux qui se reproduisent au Frioul et à Riou, disparaîtraient les uns après les autres. 23 000 couples en 2005. 12 000 l'année dernière (1) selon un recensement réalisé par le Ceep. Un recensement renouvelé cette année pour, semble-t-il, les mêmes résultats. Mais qui serait le redoutable ennemi ?

Le gabian de la Crau peut-être. L'ancien roi des décharges, qui régnait sur les ordures ménagères d'Entressen. Mais son royaume a été rayé de la carte en 2010, sacrifié sur l'autel de l'incinérateur. Pour le gabian d'Entressen, fini l'ère de l'abondance, des festins à la romaine, des becquées indécentes. Du coup, a-t-il été contraint d'aller boustifailler ailleurs ? Est-il venu à Marseille enlever le pain de la bouche de nos gabians ?

Un gabian affaibli ?

Marseille. Ses grèves d'éboueurs, ses conteneurs vomissant, ses snacks, sa Canebière repue qui s'étire au beau milieu d'un maquis de steak-frites. Marseille, cafétéria à ciel ouvert, qui tend les bras au peuple migrateur. Le gabian de l'ouest a-t-il senti qu'il pourrait renaître ici ? Est-il venu pour une prise de bec avec son frère phocéen ? Certains considèrent que le gabian marseillais a été privé de ses repas urbains. Et il aurait migré à son tour. Adieu Frioul, Riou, Château d'If... Mais rien n'est sûr.

Autre hypothèse : peut-être, en pleine famine, s'est-il affaibli. Pâlichon, amaigri, désemparé, il n'aurait pas eu la force d'assurer sa descendance. Pas de repas, pas de forces, pas d'amour. Libido à l'arrêt. Avec toutes les conséquences que l'on imagine sur la reproduction depuis 2005. Triste destin que celui du gabian qui n'a même pas eu la chance, au temps glorieux d'Entressen, d'aller gameler sur la décharge de son ennemi. "C'est que le gabian nicheur, explique Alain Mante, grand spécialiste de l'espèce, est attaché à son territoire et ne va pas s'alimenter loin."

La ville pleine de "nicheurs"

Alors que le gabian d'Entressen est un baroudeur, sans toit ni loi, plus près de la canaille que de la volaille. "Si tu vis à Marseille, tu ne vas pas faire tes courses à Manosque. C'est un peu le cas de nos gabians. Mais si tu as un camping-car, tu te déplaces plus facilement." Caravanier, nomade, gens ou plutôt gabian du voyage : le Goeland Leucophée (son autre nom), a du carburant pour voyager loin. Est-il vraiment venu à Marseille ? A-t-il abandonné la Crau ? Quoi qu'il en soit, la population de gabian a diminué.

Alors, c'est sûr qu'on peut parler d'histoire de fou mais on n'est pas encore revenu aux "Années Folles", les années 20 où on ne recensait guère plus de... 100 couples. Le gabian est encore là. Le gabian de Riou n'est pas le bébé phoque. Pour l'heure, Brigitte Bardot n'a poussé aucun cri d'alarme. Et on doute qu'elle le fasse car, si la population fond sur les îles (et en Méditerranée), la ville, elle, est envahie, jour et nuit. Mais, il ne s'agirait pas là de gabians nicheurs, plutôt des jeunots, des aventuriers, des Mickael Vendetta ailés.

Impossible de recenser

Ceux de la Crau ? Mystère. Et malheureusement, on n'a pas de statistique en ville. Comment recenser ? Impossible. À Riou, on peut compter les oeufs. En ville, on compte les dégâts. Car ces bandits-là se livrent à des agressions sonores insupportables. Il suffit qu'un groupe d'une trentaine de gabians, roupillant la nuit sur un toit, entende un malheureux Marseillais faire pisser son chien pour que se déclenche un épouvantable concert de piaillement, qui fait sursauter toute une copropriété.

Et dans la journée, les gabians sont partout sur nos têtes, au-dessus desquelles ils véhiculent n'importe quel type de nourriture. Un matin, sur le Vieux-Port, une passante a reçu sur le crâne une tête de poisson. Un poisson volant ! Le gabian, incapable de l'avaler (parce que trop gros) l'avait relâché en plein vol. Dieu merci, ces gabians partent en vacances. Car vers le milieu de l'été, qui correspond à la fin de la période de reproduction, la colonie migre.

(1) Le Conservatoire Études des Écosystèmes de Provence (CEEP), dirigé par Alain Mante, fait un recensement sur les îles, dont on ne connaît pas encore les chiffres. Mais ils confirmeraient ceux de 2010 et donc la baisse de la population.

http://www.laprovence.com/article/a-la-une/marseille-ces-gabians-qui-se-cachent-pour-mourir

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